ECOFESTIVAL DE LUMBIN JUIN 2014-06-12
« Retour du diamant noir dans le Grésivaudan :mythe ou réalité ? »
Histoire et origine
Le hasard fait bien les choses. L’écofestival a lieu à Lumbin or il y a une trentaine d’années, on comptait au moins un trufficulteur officiel peut-être deux sur la commune.
Dans notre association,la Catananche cartusienne, les membres d’une de ces familles peuvent témoigner de pratiques vécues .C’est à partir de ces dires et d’histoires locales que j’ai proposé au Parc de Chartreuse de mettre en place une démarche de réflexion et de revalorisation de la truffe sur le territoire.
L’une de ces truffières,située à moins d’un km à vol d’oiseau, a été remise en état et débroussaillée,des arbres ont été replantés et les résultats devraient commencer au prochain automne /hiver. Certains arbres ont continué à produire pendant la réhabilitation .. On est donc dans le cadre et le vif du sujet.
Ces témoignages historiques sont nombreux et l’une des informations est parue dans le livre d’Adolphe Chatin en 1892 ,qui cite les truffes du Dauphiné commercialisées à Paris et Genève : »elles sont récoltées entre autre sur les communes de La Tronche, Montbonnot, St Ismier, Bernin , Le Touvet et Crolles ».La production annuelle variant entre 5 et 40 tonnes, selon les sources,entre Grenoble et Chambéry.
Ce sont bien les Piémonts de Chartreuse qui sont concernés. Mais attention , si on se réfère à l’ouvrage :L’Isère en relief produit par le Musée Dauphinois, on constate que les vignes étaient plantées jusqu ‘à la limite de la falaise, on y produisait du vin et on y récoltait des truffes. De nombreuses structures de défense existaient de Grenoble à Barraux devenues caduques à partir de l’annexion de la Savoie. Il n’en reste pas moins vrai que le paysage était marqué par cette frontière. La vigne fournissait le vin aux villes de garnison, dont Grenoble, la truffe était récoltée sur tout le territoire et constituait un complément de revenus non négligeable.
C’est à partir des années cinquante que le déclin a commencé,malgré des initiatives de plantations à Crolles, Bernin. L’introduction de la chimie dans les vignes pour lutter contre le mildiou par des produits anti-fongiques(or la truffe est un champignon),sans oublier la myxomatose qui décima le lapin de garenne y ont contribué.
On raconte que, dans certains lieux on ramassait la truffe à la « gratasse » c’est à dire dans un grattage de lapin, où on la voyait nettement.
Deux éléments m’ont interpellé dans la quête de la truffe :la production semble décliner en même temps que la diminution de la population de lapins de garenne.Nous avons constaté qu’on pouvait distinguer dans les féces du lapin des spores de Tuber mélanosporum qui avaient la particularité d’être germinatifs. De là à souligner le rôle du lapin dans le maintien de truffières actives, il n’y a qu’un pas que je franchis. J’ai par ailleurs constaté que sur des sites où on trouvait truffe et lapin, 10 ans après le disparition du lapin la truffe disparaissait à son tour et le milieu végétal s’est, depuis, fermé.
Je laisse le soin aux personnes concernées par la trufficulture de vérifier cette hypothèse et me tiens à la disposition des personnes intéressées pour aller plus avant.Dans tous les cas on est au bon endroit pour recueillir des avis et des témoignages.
Parlons de la truffe TUBER MELANOSPORUM
Les truffes sont des champignons hypogés (souterrains ) qui se développent sur des sols calcaires.
C’est BRILLAT-SAVARIN qui l’a appelée DIAMANT NOIR en raison de son coût mais aussi de sa valeur culinaire.
Alexandre DUMAS écrit à propos de la truffe : « Nous voilà arrivés au sacrum sacrorum des gastronomes ».
KURNONSKI a embelli la légende de sa plume. Il faut dire qu’à cette époque (fin 19° début 20°), on récoltait de 1000 à 2000 tonnes de truffes par an, contre 46 tonnes la saison passée.
Tous les superlatifs utilisés pour la truffe sont donc liés à sa valeur commerciale déterminée par une évaluation subtile de la demande au regard de l’offre .Quand on sait par ailleurs que la valeur fiscale de la truffe commence à partir de sa commercialisation par un courtier, que celui-ci détient sa charge (dans la plupart des cas) de générations en générations, on comprend que le flou soit précieusement entretenu.
Car la valeur, le cours de la truffe est déterminé dans un marché où les « échanges « entre caveurs ou rabassiers et les courtiers se font selon un code bien établi.
Le plus célèbre, dans notre région, étant le marché de RICHERENCHES situé dans l’enclave des papes. Il se déroule tous les samedi matin, de décembre à mars.
Pour en terminer sur la valeur de la truffe, il faut savoir que l’organisation de son commerce a été faite par les papes et le clergé…..
La truffe est un champignon noir que l’on trouve sous la terre en hiver ,ce ne peut être qu’un cadeau du Malin, le ramasseur de truffe (caveur ou rabasseur selon les régions) sent le soufre ! et s’il veut aller au paradis, il peut à la Saint-Antoine, déposer une truffe à la quête, ce qui doit lui assurer de bonnes récoltes et l’accès au saint des saints………
Toutes les astuces sont bonnes pour se procurer ce mets qui, outre ses qualités gustatives indéniables, aurait des qualités médicinales, voire aphrodisiaques.
Aujourd’hui, des chercheurs chinois et japonais ont confirmé que certaines substances extraites de tuber mélanosporum avaient des propriétés anticancéreuses et permettaient aussi de lutter contre la maladie d’Alzheimer.
Avant toute chose, c’est la gastronomie mais aussi le luxe que la truffe apporte à la table qui justifient son appellation de diamant noir.
Ses propriétés organoleptiques sont telles qu’elles confèrent aux aliments qui lui sont associés des harmonies et des saveurs inattendues.
Mais, au fait, que sont les truffes ?
- Comme je l’ai dit, ce sont des champignons hypogés. Ils appartiennent à la classe des ascomycètes. Ils produisent leurs spores dans des asques (petits sacs). Les spores sont donc des « ascospores » et le sporophore (qui contient les spores) est un ascocarpe ou truffe.
Les truffes constituent un genre à part entière: le genre Tuber (famille des tuberacées) comprend une soixantaine d’espèces. Une vingtaine ont été répertoriées en Europe.
Les espèces les plus utilisées sont :
-Tuber uncinatum ou truffe de bourgogne.
-Tuber aestivum ou truffe blanche d’été.
-Tuber brumale très proche de tuber mélanosporum mais ses propriétés organoleptiques sont moindres.
-Tuber mélanosporum :truffe noire dite du Périgord, produit riche et généreux .
-Tuber mésentéricum ou mésentérique qui présente un arôme riche et puissant, légèrement iodé(d’une utilisation délicate.)
Pour simplifier mon propos, je vais dorénavant me consacrer à Tuber mélanosporum. Cette truffe ne vit que sur les sols calcaires ( PH 8 à 8,5).
La truffe est un champignon ectomycorhizien. Le mycélium de la truffe ou thalle vit en symbiose avec des arbres hôtes, il y a des échanges à bénéfices réciproques entre le champignon et l’arbre, le champignon apporte une meilleure nutrition minérale à l’arbre qui lui donne en retour des substances hydrocarbonées qu’il ne sait pas synthétiser.
Le mycélium s’associe aux racines courtes ou radicelles pour former des mycorhizes dans une structure que l’on appelle réseau de Hartig, réseau qui ne pénètre pas à l’intérieur des cellules vivantes de l’arbre.
Le cycle de la truffe est très mal connu car on ne sait pas le reproduire en conditions contrôlées.La truffe résiste à une observation artificielle Dans un premier temps, les spores germinatifs installent sur les racines des plantes hôtes des mycorhizes qui développent le mycélium.
Ensuite vient la fructification, c’est là que commence le périple le plus étonnant de la truffe, fin avril début mai le mycélium « émet » ( pond) des dizaines de truffettes au mètre carré, ces éléments minuscules ( moins d’un millimètre) de couleur jaune orangé ne sont plus rattachés au mycélium. Ils disposent de « capteurs » qui capturent les éléments carbonés dont ils ont besoin pour croître dans la roche, mais les bactéries et la pédofaune jouent sans doute un rôle important dans sa croissance et sa conquête de l’espace.
La truffe ou plutôt le mycélium dégage des produits phytotoxiques sélectifs, ce qui permet un fonctionnement hydrique et minéral maximum dans le sol calcaire. La décomposition du carbonate de calcium,provoquée par l’eau et la chaleur libère des ions carbonés minéraux.
J’ai personnellement trouvé des truffes hors sol, la truffette transportée sans doute par la pédofaune s’est accomplie dans un mur de pierres. La truffe aboutie pesait 980 g .
C’est cette alchimie qui est passionnante, elle permet au diamant noir de se construire sur la pierre brute des calcaires…Sa biocénose est très complexe donc très fragile. Les témoignages de DIOSCORIDE, PLINE l’ANCIEN, Olivier DE SERRES attestent d’une abondance considérable de truffes sur les parcelles de vigne qui par leur mode cultural étaient respectueuses de l’environnement.
En 1892 Chatin, membre de l’Académie des sciences, dans son ouvrage « la truffe » atteste d’une récolte importante de truffes notamment dans notre région, le Grésivaudan, les Piémonts de chartreuse « produiraient » entre 4 et 40 tonnes de truffes par an, truffes de bonne qualité que l’on retrouve sur les étals parisiens mais aussi à Genève.
En 1914 le docteur PRADELLE dans son ouvrage « manuel de trufficulture » témoigne d’une générosité exceptionnelle des sols propices à la truffe.
Alors pourquoi la truffe disparaît-elle peu à peu ? Pourquoi se fait-elle plus rare dans vos assiettes ?
Je pense que la fragilité de son écosystème, la complexité des éléments qui contribuent à son développement ont été sérieusement malmenés voire endommagés.
Les espaces se ferment, la chimie a fait son apparition dans l’industrie du vin, un grand nombre d’espèces floristiques et faunistiques ont été détruites. Le sanctuaire que constituaient les vignes ont été pollués ou ont disparu.
Il est curieux de constater que la courbe de production de tuber mélanosporum est quasiment parallèle à celle de la disparition du lapin de garenne décimé par la myxomatose.
L’homme apprenti sorcier productiviste a vendu son âme au diable lequel lui confisque la truffe ! Et la gastronomie dans tout cela ! Il n’y a pas si loin de la terre à la bouche car la truffe peut aussi être populaire.
Il suffit de la cueillir, de réinvestir les espaces où les arbres la couvent mystérieusement pour le plaisir de nos papilles. La meilleure manière de rencontrer la truffe est de la manger crue en fines lamelles sur un toast beurré avec trois grains de fleur de sel.
Mise en sommeil avec les œufs , elle réveille avec bonheur sa richesse organoleptique, mais quel délice avec des pommes de terre du potimarron du fromage de chèvre dans une crème brûlée ou un soufflé glacé.
Sans oublier la glace à la Chartreuse et à la truffe suprême perversion diabolique et monastique.
Réflexions et avenir
Donc la production de truffes en France est passée de 1800 tonnes à 40 tonnes, et ce, malgré la plantation de plusieurs milliers d’hectares en trufficulture.
La trufficulture serait-elle insuffisante pour compenser les diminutions de production ?
On peut se poser la question :à savoir la trufficulture seule est-elle suffisante,sinon pourquoi ?
Le Professeur ROUX a fait un travail qui nous a valu un autre classement des champignons. La truffe a une place à part dans cet ordre. Son fonctionnement a même quelque chose d’un peu animal(capture d’oligo-éléments par le mycélium),un peu comme une amibe.Dans le cadre d’une vraie symbiose,le mycélium fournit les oligo-éléments aux plantes hôtes et leur permet de vivre dans un milieu austère.
Que sait-on de la vraie vie ou de la vraie reproduction de la truffe ?
Comment et pourquoi cette progression entre le primordium ou la truffette et la mélanosporum aboutie donc mûre et consommable?
Quel est le rôle de la mélanine (hormone) qui donne à la truffe sa couleur noire et ses propriétés organoleptiques ?
Pourquoi ce délai de sept mois avant l’apparition d’une truffe mûre et odoriférante, délai au bout duquel les animaux en se nourrissant des truffes répandent leurs spores qui se fixent sur les radicelles des plantes–hôtes et participent ainsi au cycle de la reproduction ?
Pourquoi depuis Pline l’Ancien(79ap JC) « où l’on ramassait les truffes à la brouette dans les vignes »jusqu’aux années cinquante,où la production était encore importante,pourquoi cette production a-t-elle diminué de manière exponentielle ?
Peut-être que le trufficulteur devrait avoir une approche similaire à celle de… l’élevage !!!La proposition d’étude,que nous avons mis en place, avec le CNRS sous le nom de Merlin nous permettra peut-être, en observant plusieurs sites producteurs ou en cours d’installation, 24 h sur 24, de mieux comprendre et donc de proposer une agronomie réaliste, à moins que la truffe, être vivant très fragile, ne disparaisse.
Alors c’est le « Malin » qui aura gagné.
Au fait, où peut-on trouver des truffes ? - là où elles existent encore en milieu sauvage.
Qui peut la cueillir ?-Tout le monde dans les espaces libres de droit et avec une formation et une éducation sérieuses. Un total respect de la nature est nécessaire. Peut-être que la commercialisation doit aussi faire l’objet d’une réflexion.
La viticulture,et surtout la référence à la biodynamie, peut-elle participer à la réhabilitation de la truffe ? Du moins peut on retrouver les conditions initiales de la vie de la truffe.
La démocratisation de la truffe est-elle possible ?
Dans tous les cas c’est nécessaire ,la nouvelle législation permettra-t-elle une régularisation des marchés afin de sortir la truffe d’un marché plus ou moins opaque ?
Il est nécessaire d’éduquer tous les amateurs potentiels et de sortir d’une situation ambigüe.
Les difficultés liées à la trufficulture,la disparition plus ou moins effective de la truffe ne sont-elles pas un indicateur, au même titre que la disparition des abeilles, de l’état de notre planète ?Peut on passer de la recherche mercantile à une recherche du « bonheur intérieur brut et partagé »
ALORS ce produit naturel mérite d’être partagé,c’est le rôle de la gastronomie.De la terre à la bouche le chemin est encore possible pour combien de temps ?
A COULON
Quelques précisions
Agriculture et agronomie[modifier | modifier le code]
Les termes d'agriculture et d'agronomie sont souvent utilisés indifféremment, alors qu'il s'agit de deux concepts différents.
D'une façon générale, l'agronomie est la science visant à comprendre les mécanismes en jeu en agriculture et à les améliorer. Ceci explique que l'on parle parfois de sciences agronomiques. L'agriculture quant à elle est la pratique de l'activité agricole. Idéalement l'agriculture se nourrit des réflexions agronomiques. Dans son acception restreinte, l'agronomie embrasse la connaissance des techniques agricoles en interaction avec le milieu (date de semis, valeur des assolements, choix des semences, calcul de la minéralisation de la matière organique, techniques d'élevage…). Dans une acception plus large, l'agronomie comprend également la connaissance de l'organisation socio-économique de l'agriculture (forme sociale, financement, fonctionnement des marchés, structures familiales).
Cultiver un végétal mycorhizé ,est certes un élément fondamental pour obtenir des truffes ,tuber mélanosporum,mais il n’est sans doute pas suffisant.
Il faut se référer à quelques ouvrages pour se forger une conviction :
Gabriel Callot »la truffe la terre la vie.
Pour la chartreuse les mémoires de Mylène Goux et Andréa Franc.
Adolphe CHATIN LA TRUFFE 1892
Nous disposons d’une bibliographie disponible su site.
La discussion ,des éléments pour comprendre .
Nous avons travaillé sur plusieurs hectares de truffières encours de réhabilitation ou encours de réalisation.La truffière de LUMBIN est un très bon exemple du possible :3,5 hectare débroussaillés ,replantation d’arbres mychorizés (une centaine) entretien du terrain par des moutons.Cette truffière recommence à produire en tuber mélanosporum et tuber brumale.Il est évident que l’aspect,lutte contre la déprise forestière est visible et actif.
Cela démontre qu’un minimum de travaux permet une restructuration du paysage qui rend possible la lutte contre les incendies.
La position de chacun des propriétaires, c’est-à-dire les travaux initiaux et le suivi,font partie du débat.
Implanter des truffières dans l’intérêt général pour lutter contre les incendies,nécessite une position des structures communales et intercommunales.
Le paysage des coteaux s’est considérablement modifié en deux siècles.Les nouveaux habitants sont moins des acteurs que des consommateurs de l’espace en général(habitat ou loisirs).
La truffe,à ce jour,n’est pas un argument économique ,même si en 20 ans ,les restaurateurs la propose.Le travail avec le Parc Naturel de Chartreuse porte ses fruits.La non reconnaissance agricole et viticole,par les acteurs,nécessite une formation et une information de qualité.
Le retour du diamant noir tel qu’il existait par le passé, n’est sans doute pas pour demain,d’autant plus que la trufficulture, malgré son efficacité relative,est sans doute confrontée à d’autres paramètres que nous devons comprendre et maîtriser.
Toutefois cela fonctionne ,on peut toujours se ménager du rêve en plantant un arbre truffier dans son jardin ,il produira sans doute.
Sont joints quelques plans de quelques truffières existantes.
D’autres sites sont visibles sur tout le territoire du parc .